Exercices tactiques 08 (par Jean Meunier-Pion)

Problèmes tactiques

N° 8

Si tu veux te creuser les méninges sur des problèmes qui se laisseront difficilement saisir, voici une petite sélection qui te fera plaisir.

La planche d’exercices est composée de 7 problèmes retors, aux différents ressorts.

Le niveau de difficulté augmente au fur et à mesure, alors ne perds pas d’allure.

Notes : l’orientation de l’échiquier est toujours du côté du camp au trait.

Problème 1

Pour s’échauffer, voici un petit mat en 3 avec les Noirs.

Problème 2

Nous arrivons au beau milieu d’une séquence d’échanges. Dans cette position, une question m’intéresse : la ligne 1.Dxf3 Dxc7 2.Dxa8 est-elle gagnante pour les Blancs ?

Problème 3

Trois pions contre trois, mais quelque chose cloche pour les Noirs. Éblouis le monde avec ta technique en finales de pions et force le gain avec les Blancs.

Problème 4

Les deux Rois sont à deux doigts d’être matés par les pièces lourdes adverses. Dans cette course au mat, les Noirs ont le trait et cela fait la différence. Trouve le très joli mat en 4 caché dans cette position.

Problème 5

Tous les signaux sont au vert pour dire que les Blancs sont dans le rouge. Pourtant, dans cette position atteinte en blitz, je n’ai pas réussi à trouver le mat en 6 avec les Noirs. À toi de trouver la manœuvre cachée qui permet de forcer le mat.

Problème 6

Dans la dernière planche de problèmes, il y avait une position dans laquelle les Blancs devaient faire nulle en finale de pions avec un Fou de moins. Ici, les prétentions montent d’un cran. Avec un Fou de moins (contre deux pions), tu dois gagner avec les Blancs.

Problème 7

J’ai atteint dans une partie cette position avec les Noirs et après avoir regardé rapidement 1…Cxg3+, j’ai jugé que ce sacrifice ne fonctionnait pas tout de suite.

Maintenant, à ton tour de répondre à cette question : que se passe-t-il après le sacrifice 1…Cxg3+?

Culture échiquéenne

Après avoir traité tous ces problèmes difficiles, je te propose des questions plus faciles. Ce sont des questions de culture, que ce soit d’ordre technique, historique, ou au sujet des ouvertures.

La question technique : Quel est le Elo estimé du plus fort moteur d’échecs?

La question historique : Mis à part Magnus Carlsen, quel est le joueur ayant eu le deuxième plus fort classement Elo?

La question ouverture : Comment appelle-t-on la variante 1.e4 e5 2.Cf3 Cc6 3.Fb5 a6 4.Fa4 Cf6 5.0-0 b5 6.Fb3 Fb7 de la partie espagnole?

Jean Meunier-Pion

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Solutions exercices tactiques N° 7

Que tu penses avoir trouvé la solution à un problème ou que tu t’arraches les cheveux depuis des jours sur une position, c’est ici que tous les mystères te seront révélés. 

Mais avant d’aller regarder plus loin, es-tu sûr d’avoir bien réfléchi sur le problème dont tu vas regarder la solution ? Une fois la solution dévoilée, tu n’auras plus de deuxième chance pour connaître la satisfaction que l’on ressent en perçant les mystères d’une énigme pour la première fois.

Aussi, petit conseil avant que tu ne consultes les solutions : quand tu lis des variantes, il ne faut pas être passif et juste regarder les coups. S’il y a une variante que tu n’avais pas vue ou que tu avais rejetée, il faut que tu comprennes chacun de ses coups et que tu la remettes en question en proposant tes propres lignes, jusqu’à ce que ce que tu réalises pourquoi elle fonctionne effectivement. Bien souvent, ce sont les sous-variantes que l’on calcule et qui n’apparaîtront jamais sur l’échiquier qui font la richesse de la ligne principale.

Problème 1

À défaut d’avoir des pions devant le Roi, les Noirs ont presque toutes leurs pièces qui surveillent leur monarque. Ils ont temporairement une pièce de plus et menacent mat en g2.

1.Ff7+ ne mate pas puisque le Fou en d5 surveille en arrière. En revanche, de l’autre côté, il y a plus de succès.

En jouant 1.Fh7+, les Blancs saisissent leur chance car après 1…C8xh7 2.Dg6+ Rh8 3.Dxh7#, la partie est finie. Sur 2…Rf8, 3.Cxh7# termine également, et 1…C6xh7 2.Dg7# ainsi que 1…Rh8 2.Fxf6+ Fxf6 3.Dxf6# ne permettent pas au Roi noir d’échapper à son destin.

Problème 2

Pour conserver le pion c7 et des chances de l’emporter, il n’y a que deux coups qui semblent raisonnables : 1.Tc1+ et 1.Tf6+.

Le premier n’est pas suffisant. En effet, après 1.Tc1+ Rd6 2.Td1+ Rc6, la Tour noire ne peut pas être consommée à cause du pion h qui va passer à Dame. Aussi, tenter un malin 2.Rb8 pour pousser le pion à Dame, maintenant qu’il est soutenu par la Tour blanche, ne fonctionnerait pas à cause de 2…Txc7 et la Tour en c1 est surchargée.

Il n’y a donc que 1.Tf6+ qui peut changer les choses. En fait, si le Roi noir se décale, on peut maintenant prendre la Tour puis après la promotion de chaque camp, on se retrouve avec une Tour de plus. Les Noirs n’ont donc pas d’autre choix que de jouer 1…Td6.

Ici, 2.Txd6+ Rxd6 n’arrange pas les Blancs car le pion h sera le premier à être promu.

Pour gagner, il suffit de constater que la Tour noire a été attiré par son homologue blanche et ne surveille plus le pion c. On peut donc jouer le petit pas de côté 2.Rb8, avec l’idée simple de faire Dame au prochain coup.

Sur 2…Txf6, 3.c8=D+ Rb5 4.gxf6 h1=D 5.Db7+ Dxb7 6.Rxb7+- force par exemple le gain. Si 3…Rd6, 4.Dc7+ Re6 5.Dc6+ et qu’importe ou se rendra le Roi, au prochain coup on capturera la Tour sur échec. Si 3…Rd5, simplement 4.gxf6 h1=D 5.Db7+ conclut.

Enfin, sur 2…h1=D, il suffit de jouer 3.c8=D+ et la Tour noire va tomber. Et si 3…Rd5 avec l’idée de s’accrocher à la Tour, 4.Db7+ vient récupérer la Dame.

Problème 3

Ayant une qualité de moins et un Roi un peu affaibli, si les Blancs ne finissent pas la partie maintenant, ils seront en grande difficulté.

Le premier coup tentant est 1.Dh7+ qui passe par derrière et agresse directement le Roi noir. Mais après 1…Rg4 2.Dxh4+ Rf3 3.Df4+ Re2, ce dernier nous a glissé entre les doigts.

En voyant que 1.Dh7+ ne marche pas, il devient tentant de jouer l’autre échec intéressant qui est 1.g4+. 1…Rxg4 est forcé et alors il faut encore prendre la bonne décision.

Envoyer la Dame tout de suite avec 2.Dg6+ ne fonctionne toujours pas car après 2…Rf3 3.Dg2+ Re2 4.f3+ Rd1, le Roi noir n’est toujours pas maté et il n’est pas près de l’être.

En revanche, il existe un autre échec qui vaut le coup d’œil. Il s’agit de 2.f3+ qui offre un deuxième pion! Les Noirs ont deux manières d’accepter cette offrande, mais aucune d’elles ne permet de tenir. Si 2…Dxf3, 3.Dg6+ Tg5 4.Dxg5# et on a profité que la Dame bouche la case de fuite f3. Autrement, sur 2…Rxf3, 3.Dg2# termine directement.

Enfin, les Noirs avaient également la possibilité de repartir dans l’autre sens en jouant 2…Rh5, mais à ce moment-là, 3.Dh7# règle les affaires.

Problème 4

La position est totalement déséquilibrée. Toutefois, le Roi noir est celui qui a le plus de souci à ce faire car, si ses pièces lourdes disparaissaient, il y aurait immédiatement mat en d7 ou en g6.

On peut donc jouer 1.Ff2, ce qui crée une surcharge des pièces noires,  attaque la Dame et menace de passer en c5 pour embêter le Roi noir.

Le Fou est imprenable : 1…Dxf2 2.Cd7# ; 1…Txf2 2.Cg6#.

Pour ne pas se retrouver avec un retard matériel, les Noirs doivent bouger leur Dame quelque part. Si 1…Dd6, il y a un petit souci après 2.Fc5 qui cloue la Dame et menace brutalement 3.Cd7#. De la même manière, 1…Db4 se heurte à 2.Fc5+. Si 1…Df4, 2.Fc5+ Re8 3.Cg6+ et on va attraper la Dame au prochain coup. De même, 1…Dd8 2.Fc5+ Re8 3.Cc6+ gagne la Dame.

Enfin, sur 1…Db2, on retrouve une fois de plus la même idée que dans les lignes au-dessus avec 2.Fc5+ Re8 3.Cc4+, et la Dame tombe.

À présent, s’il n’y avait pas eu de pion en d3, la combinaison n’aurait pas fonctionné. En effet, après 1.Ff2, les Noirs disposent maintenant de 1…Dd2 et, sur 2.Fc5+Re8, jouer 3.Cf3+ pour récupérer la Dame se heurte à 3…Dxe1+ 4.Cxe1 Tf1+ 5.Rh2 Txe1 et la combinaison des deux pions passés liés à l’aile-Dame + la Tour est plus dangereuse que la paire de Fous. Il est possible de tenter une autre astuce au lieu de 3.Cf3+ : 3.Ta1 menace de mater et, sur 3…c6 on a le joli 4.Ta8+ Rc7 5.Fb6+ Rxb6 6.Cc4+ et on récupère la Dame. Toutefois les Noirs disposent de 3…Td6 qui rend un peu de matériel mais met un terme aux menaces de mat.

Problème 5

Finir une attaque de mat le plus rapidement possible est nécessaire pour ne pas laisser l’occasion à l’adversaire de s’échapper.

Ici, 1…Df2+ 2.Rxg4 h5+ 3.Rg5 Dxf3 4.Dxd6 Rg7 (4…Tg2+? 5.Rh6+-) avec la menace 5…f6 gagnerait en encore quelques coups. Toutefois, cette ligne ne force pas un mat en 7 et il y a donc plus rapide pour terminer la partie.

La ligne qui expédie l’attaque de mat commence par le sympathique 1…Tg2+ qui vient forcer le Roi à se mettre sur une case déplaisante. Sur 2.Rh4, 2…Dh6# mate instantanément, tandis que 2.Rh3 Dh6+ 3.Rxg2 Dxh2+ 4.Rf1 Df2# offre un mat rapide.

La seule option est donc d’accepter le sacrifice en jouant 2.Rxg2. Le Roi est maintenant bien placé pour forcer un mat. Après 2…Df2+ 3.Rh3 Dxh2+ 4.Rxg4 h5+ 5.Rg5 Dg3+ 6.Fg4 Dxg4+ 7.Rf6 (7.Rh6 Df4#) Dh4#, aucun répit n’a été donné au Roi blanc et sa traque se termine enlisé dans les ronces de pions noirs.

Problème 6

À première vue, les pièces noires ne passeront pas car il suffit de laisser le Roi sur les cases e3 et f3 pour bloquer la route.

Cependant, en effectuant une manœuvre en marche arrière, les Noirs pourraient réorganiser leurs pièces en jouant Fg8/Rh7/Rh8/Fh7/Fe4/Rh7/Rg6, et il va être impossible d’arrêter l’invasion du Roi noir.

Il faut donc réagir tout de suite. Pour empêcher la réorganisation des pièces noires, on remarque un thème de pat avec le Roi en a1. Par exemple, sur 1.Rd3 Fg8 2.Rd2 Rh7 3.Rc1 Rh8 4.Rb1 Fh7+ 5.Ra1, le Fou noir est obligé de retourner dans son terrier s’il ne veut pas que la partie se termine sur un pat.

Maintenant, il convient de décider du premier coup à jouer.

Sur 1.Rd3 Rf5 2.Re3 Fg8, 3.Rf3 est forcé pour conserver le blocus, mais alors le Roi est trop éloigné de l’abri a1, donc 3…Rg6 4.Re2 Rh7 5.Rd1 Rh8 6.Rc1 Fh7 perd.

La même configuration se produit sur 1.Rf3 Rf5 2.Re3 Fg8. De même pour 1.Rd2 Rf5 2.Re3 Fg8.

Sur 1.Rf4, 1…Fg8 est forcé puis, qu’importe le coup des Blancs, ils n’arriveront pas à temps en a1.

Enfin, sur 1.Rf2, 1…Fg8 et le Roi n’arrivera, une fois de plus, pas à temps en a1.

Il ne reste donc que 1.Re2. Alors, sur 1…Fg8 2.Rd2 Rh7 3.Rc1 Rh8 4.Rb1 Fh7+ 5.Ra1, le Roi est arrivé juste à temps dans sa cachette. Il reste encore à regarder ce qu’il se passe sur 1…Rf5. À ce moment-là, il faut jouer 2.Rf3 et non pas 2.Re3 Fg8 3.Rf3 qui transposerait dans les premières lignes vues ci-dessus. Alors, sur 2…Rg6 3.Re2, on est content de répéter les coups et sur 2…Fg8, 3.Re3 Rg6 4.Rd2 et tout est sous contrôle.

Problème 7

C’est une position terrible pour les Blancs. Les Tours noires menacent des mats sur la colonne a par en haut et par en bas. Pour ne rien arranger, il y a un puissant Fou qui contrôle la grande diagonale et est intouchable, ainsi qu’un pion qui agrandit l’écart matériel et limite les mouvements de la Dame.

Tirer à l’aveugle en jouant le naturel 1.De2+ ne mène à rien car les Noirs jouent 1…Td2 et après 2.Dc4+ Fc3, les Blancs ont amélioré le placement des pièces noires. Par exemple, sur l’essai amusant 3.Db3+, les Blancs vont perdre après 3…Rd3+.

La tentative 1.Dc5+ Fc3 2.Dxf5+ semble plus consistante. Mais après 2…Td3 3.Df2+ Td2 4.Df5+ Rc1+, les Noirs ont la main et vont vite finir la partie, par exemple avec 5.Ra3 Fb2+ 6.Ra2 Fe5+ 7.Ra3 Fd6+ 8.Ra4 Ta2#.

Il n’est donc pas simple de s’en sortir. Le salut vient du coup 1.Db3+ en premier. La Dame ne peut pas être prise, sous peine de pat. Par ailleurs, sur 1…Rc1, on peut directement jouer 2.Dxb8 et équilibrer les compteurs.

Le seul coup des Noirs est donc 1…Rd2 pour jouer pour le gain. Ici, manger la Tour serait un acte malheureux puisqu’il existe maintenant la ressource 2.Dxb8 Ta1+ 3.Rb3 Tb1+ et la Dame est perdue. Il faut donc jouer 2.Dd5+ et continuer d’harceler le Roi noir.

Si le Roi repart en c2, il suffit de répéter les coups. S’il décide d’aller en c1, il suffit là encore de répéter les coups en jouant d’abord 3.Dc4+. À présent, s’il avait le malheur de s’aventurer sur la troisième rangée, la Tour en d1 deviendrait comestible.

Regardons maintenant 2…Re2. Si 3.Dg2+, 3…Re3 4.Dg3+ Re4 et la Tour b8 n’est, une fois de plus, pas digeste. De plus, sur 5.Dh4+ Rd5, bien que le Roi noir soit au centre, il n’y a aucun moyen de le mettre en échec sans perdre la Dame. Enfin, sur 5.Dg2+ Rf4 6.Dh2+ Rg5, le Roi s’échappe et va réussir à se mettre à l’abri. On peut donner par exemple une ligne presque forcée pour illustrer comment le Roi arrive à se soustraire aux échecs après une habile danse : 7.Dg3+ Rh6 (pas 7…Rh5?, ni 7…Rf6?) 8.Dh2+ Rg6 9.Dg3+ Rf7 10.Dc7+ Re6 11.Dc4+ Td5 12.Dc6+ Td6 13.Dc4+ Rd7 14.Df7+ Rc6 15.Dc4+ Rb7 16.Db4+ Tb6 17.De7+ Ra6 18.Da3+ Rb5 19.Db3+ Rc5 20.Dc2+ Rd6 21.Dd3+ Re7 22.De3+ Rf7 23.Db3+ Rf8 24.Da3+ Tb4 et, après une longue traque, le Roi est enfin à l’abri et les Blancs sans défense.

Il faut en fait opter pour 3.De6+ de sorte que si le Roi revient en d2, on répète la position en retournant en d5, et si le Roi s’en va ailleurs, on prend en f5 sur échec. Une fois le pion f éliminé, la Dame est beaucoup moins restreinte et les échecs perpétuels plus simples.

Enfin, au deuxième coup, si les Noirs jouaient 2…Re1, 3.De6+ fonctionnerait de la même manière.

 

Culture échiquéenne

Et maintenant, voici les réponses aux quelques questions de culture.

La question technique :  Eugene Nalimov a donné son nom aux tables de Nalimov qui sont des bases de données renvoyant la distance au mat pour les positions contenant au plus six pièces sur l’échiquier (pions et Rois inclus).

La question historique : Le premier tournoi des candidats a eu lieu en 1950 à Budapest et a été remporté par David Bronstein, lequel écrira plus tard L’art du combat aux échecs , livre du tournoi des candidats de Zürich 1953.

La question ouverture : Le nom de la variante 1.d4 Cf6 2.c4 g6 3.Cc3 Fg7 4.e4 d6 5.Cf3 0-0 6.h3 est la variante Makogonov. La ligne où l’on joue 5.h3 et où l’on retarde le développement du Cavalier porte également le nom de variante Makogonov.

Jean Meunier-Pion

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