Exercices tactiques 09 (par Jean Meunier-Pion)

Problèmes tactiques

N° 9

Si tu veux te creuser les méninges sur des problèmes qui se laisseront difficilement saisir, voici une petite sélection qui te fera plaisir.

La planche d’exercices est composée de 7 problèmes retors, aux différents ressorts.

Le niveau de difficulté augmente au fur et à mesure, alors ne perds pas d’allure.

Notes : l’orientation de l’échiquier est toujours du côté du camp au trait.

Pour cette planche de problèmes, tu as le droit, exceptionnellement, à un huitième problème. À la fin de cette série, si tu regardes le chemin parcouru depuis la première planche d’exercices, tu te rendras compte qu’il y aura eu autant de problèmes que de cases sur un échiquier. 😉

Problème 1

Pour commencer, voici un petit problème l’aveugle. Une partie commence par 1.e4 c6 2.Cf3 d5 3.d3 dxe4 4.Cg5 exd3 5.Fxd3 Cf6. Les Noirs n’ont en apparence joué que des coups normaux et pourtant ils sont déjà perdants. Trouve le gain avec les Blancs.

Problème 2

Avec trois pièces braquées sur un Roi totalement exposé, tu dois certainement te sentir pousser des ailes. Alors il ne te reste plus qu’à trouver le gain avec les Blancs dans cette position.

Problème 3

Parfois, la beauté d’une victoire ne réside pas tant dans les coups que l’on joue pour gagner, mais plutôt dans la force des coups défensifs de l’adversaire, lequel repousse ses limites pour éviter la défaite, en vain.

Dans ce problème, trouve le gain des Blancs, en faisant attention à toutes les ressources des Noirs.

(composition de J. Krejick, Deutsches Wochenschach, 1908)

Problème 4

Tu te demanderas peut-être si je ne me suis pas trompé en te proposant ce problème. Pourtant, ce n’est pas le cas. Aussi étonnant que cela puisse paraître, ici, les Noirs jouent et gagnent en quelques coups.

Problème 5

Voici un exercice qui est vraiment drôle. Avec tes trois petits pions, trouve la meilleure suite pour les Blancs.

(composition de G. F. Anderson, L’Eco Degli Scacchi, 1917)

Problème 6

Les Blancs ont réussi à récupérer la Dame noire contre plusieurs pièces, mais il ne leur est pas simple de progresser à présent, d’autant plus que leur Roi est faible. Toutefois, dans cette position, les astres sont alignés pour que tu saisisses ta chance et gagnes avec les Blancs.

Problème 7

Dans cette finale à l’apparence plutôt sèche, tu dois gagner avec les Blancs. La mission peut sembler impossible, mais il existe bel et bien une séquence précise qui met à mal les Noirs.

Problème 8

Pour le bouquet final, je te propose le mat en 4 le plus beau et le plus compliqué que j’aie croisé ces derniers temps. Le trait est aux Blancs et le problème garanti sans problème.

 

Culture échiquéenne

Après avoir traité tous ces problèmes difficiles, je te propose des questions plus faciles. Ce sont des questions de culture, que ce soit d’ordre technique, historique, ou au sujet des ouvertures.

La question technique : Qu’est-ce que le classement Glicko?

La question historique : Quels pays ont remporté les Olympiades mixtes plus d’une fois depuis leur création?

La question ouverture : Quel est le nom de la variante 1.e4 c5 2.Cf3 Cc6 3.d4 cxd4 4.Cxd4 Cf6 5.Cc3 e5 de la sicilienne?

Jean Meunier-Pion

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Solutions exercices tactiques N° 8

Que tu penses avoir trouvé la solution à un problème ou que tu t’arraches les cheveux depuis des jours sur une position, c’est ici que tous les mystères te seront révélés. 

Mais avant d’aller regarder plus loin, es-tu sûr d’avoir bien réfléchi sur le problème dont tu vas regarder la solution ? Une fois la solution dévoilée, tu n’auras plus de deuxième chance pour connaître la satisfaction que l’on ressent en perçant les mystères d’une énigme pour la première fois.

Aussi, petit conseil avant que tu ne consultes les solutions : quand tu lis des variantes, il ne faut pas être passif et juste regarder les coups. S’il y a une variante que tu n’avais pas vue ou que tu avais rejetée, il faut que tu comprennes chacun de ses coups et que tu la remettes en question en proposant tes propres lignes, jusqu’à ce que ce que tu réalises pourquoi elle fonctionne effectivement. Bien souvent, ce sont les sous-variantes que l’on calcule et qui n’apparaîtront jamais sur l’échiquier qui font la richesse de la ligne principale.

Problème 1

Dans cette position, l’avantage matériel est écrasant et la victoire ne fait aucun doute. Maintenant, la question est de savoir comment terminer la partie au plus vite. Pourquoi prendre quinze coups pour mater, lorsqu’on peut le faire en trois?

Ici, il est justement possible de mater en trois coups en commençant par restreindre le Roi par 1…Dg6. La suite est directement forcée: 2.Rf4 Te4+ 3.Rf3 Dg4#.

Problème 2

Les Blancs ont une pièce de moins, et leur Dame et leur Cavalier sont attaqués simultanément. La seule ligne qui pourrait leur permettre de ne pas se retrouver en déficit matériel est 1.Dxf3 Dxc7 2.Dxa8.

Cependant, après ces coups, la Dame se retrouve enfermée sur 2…Cc6.

Il serait alors tentant de dire que les Blancs perdent. Néanmoins, c’est sans compter sur le coup de tonnerre 3.Fxh7+ qui dévie le Roi et, après 3…Rxh7 4.Dxf8 +-, avec deux qualités de plus et un Roi adverse affaibli, les Blancs sont gagnants.

Problème 3

Il y a certes égalité matérielle, mais la position est déséquilibrée car les Noirs ont un pion passé et les Blancs un 3-contre-2 sur l’aile-Roi. En l’occurrence, le pion h est voué à devenir un pion passé éloigné et doit donc donner un avantage décisif aux Blancs.

Commencer immédiatement par 1.h4 ne fonctionne malheureusement pas car les Noirs disposent de la ressource 1…f4 qui disloque la formation blanche en plein vol.

Il faut donc faire preuve de plus de finesse pour faire éclore ce pion passé éloigné sur la colonne h.

Pour éviter 1…f4, on peut envisager de jouer nous-mêmes 1.f4, avec l’idée que sur 1…gxf4 2.gxf4, le pion passé éloigné h offre le gain aux Blancs. Mais les Noirs auraient alors 1…g4 qui gèle la structure de pions sur l’aile-Roi et fait du pion passé d un atout décisif.

Maintenant, il faut donc trouver un moyen d’éviter que la structure de pions se retrouve paralysée sur un g4 des Noirs.

La solution passe par 1.h3 qui prépare le terrain pour mettre en œuvre le h4 que l’on voulait jouer initialement. Ainsi, les Noirs ne peuvent pas jouer 1…g4 maintenant et 1…f4 se heurterait à 2.gxf4 gxf4 3.h4 +-. Ils doivent donc bouger leur Roi, par exemple 1…Re6. Et alors, 2.f4 devient possible car les Noirs ne peuvent plus immobiliser la structure de pions, le pion h étant déjà sur la troisième rangée.

Les Noirs n’ont pas de bonne solution. Par exemple, 2…gxf4 3.gxf4 Rd6 4.h4 et on envoie le pion h à l’autre bout de l’échiquier. Les Noirs devront envoyer le Roi pour l’arrêter, ce qui laissera les fantassins noirs sans protecteur.

Problème 4

Dans ce duel, le premier qui dégaine à l’avantage, mais encore faut-il tirer au bon endroit, sinon l’adversaire ne ratera pas son coup. Il y a déjà deux coups candidats par lesquels on pourrait commencer, mais un seul d’entre eux gagne.

On remarque que 1…Txa2+ 2.Rb1 force 2…Ta1+ pour continuer à jouer des coups directs. Et alors, après 3.Rc2 T8a2+4.Rd3, il n’y a plus d’échec intéressant.

La solution doit donc passer par 1…Tb4+ qui profite un instant du clouage du pion c3. Si les Blancs se retirent en a1, alors 2…Dxc3# conclut directement. Par ailleurs, s’en aller en jouant 2.Rc1 serait très maladroit car 2…Dxc3+ 3.Rd1 Dd3+ 4.Re1 (ou 4.Rc1) Tb1# termine sans difficulté la partie.

La réponse la plus consistante des Blancs est donc 2.Rc2. Le seul échec qui permet de progresser est 2…Txa2+. Alors, si le Roi va sur la première rangée, on mate soit avec Tb1#, soit avec Dxc3+/Tb1#. Autrement, après 3.Rd3, les Noirs disposent d’un très joli mat en jouant 3…Dd4+ 4.cxd4 Tb3#.

 

Problème 5

Le coup évident est 1…Db2+ qui est le seul échec ne donnant pas de matériel, mais après 2.Re1, conclure n’est pas trivial.

En fait, la solution passe par le coup 2…Cc2+ qui n’est pas forcément intuitif. L’idée est d’attirer le Cavalier blanc en c2 pour qu’il ne puisse plus empêcher la Dame de s’y rendre. Alors, sur 3.Cxc2, on retourne tout simplement en c3 pour mater : 3…Dc3+ 4.Re2 Dxc2+ 5.Re1 Dxd1#. Autrement, sur 3.Re2, on mate également de manière forcée après 3…Cd4+ 4.Re1 Dc3+ 5.Td2 Cf3+ 6.gxf3 Dxd2#.

 

Problème 6

Bien que les Noirs aient un Fou de plus, les Blancs ont deux pions en échange et un Roi très actif. En fait, pour l’instant, le Fou est inutile car il ne peut pas bouger et l’idée gagnante va consister à le maintenir bloquer .

On commence par 1.d4 qui fixe les pions Noirs. À présent, ce n’est plus possible de pousser c5 car les Blancs prendraient le pion et se retrouveraient avec trois pions potentiellement passés et le Roi très actif.

Pour comprendre à quel point les Blancs sont gagnants, il suffit de regarder une ligne avec des coups normaux : 1…Rd8 2.e5 Rd7 3.e6+ Rd8 4.c3 Rc7 5.Re7 et le Fou tombe. Maintenant, les autres variantes gravitent facilement autour de cette ligne principale. Par exemple, si les Noirs intercalent à un moment donné un b4 avant que les Blancs jouent c3, alors les Blancs disposeront toujours de g5 en coup d’attente pour faire décoller le Roi noir de la colonne d et jouer Re7. Et si les Noirs tentent 2…Fd7, pour sortir le Fou et placer le Roi en e8 sous le pion, alors 3.h5 gagne facilement car le pion est inarrêtable (et 3.e6 gagnerait également).

L’idée avec e5/e6 suivis d’un coup de pion d’attente pour pouvoir ensuite jouer Re7 est le combo gagnant dans toutes les lignes.

Problème 7

Dans cette position particulièrement déséquilibrée, les Noirs ont en fait plusieurs coups gagnants, mais le plus fort de tous est le direct 1…Cxg3+. Encore faut-il voir pourquoi cela fonctionne.

En fait, après 2.hxg3 (2.Rg1 Ce4+ 3.Rh1 Dg2#), c’est très frustrant de ne pas pouvoir continuer l’attaque de mat en bougeant le Roi de la colonne h. Pour autant, si l’on prend le temps de regarder cette position calmement, on se rend compte qu’il suffit de bouger la Dame pour libérer la case g5 et menacer Rg5+.

Typiquement, on joue 2…Df5 qui menace à la fois 3…Rg5+ mais également 3…Dh3+/4…Dg2#. Alors, sur 3.De6 (pour empêcher 3…Dh3+) Rg5+ 4.Rg1, une ligne gagnante et simple serait 4…Fd4+ 5.Tf2 Dxe6 6.dxe6 Tc8 (avec l’idée 7…Tc1+ 8.Rh2 Fxf2 et on a un Fou de plus) 7.Tb1 Tc2 8.Tf1 Rf6 et les Blancs sont vissés.

Sur cette ligne, il y a une variante encore plus précise qui consiste à jouer 4…Dd3 avec la double menace 5…Fd4+ 6.Tf2 Dd1+ 7.De1 Dxe1# et 5…Th1+ 6.Rxh1 Dxf1+ 7.Rh2 Dg2#. Les Blancs ne peuvent pas tout parer en même temps. La ligne la plus solide est sûrement 5.De1 (pour tenir la première rangée) Fd4+ 6.Tf2 Fxf2+ 7.Rxf2 Dc2+, et la partie est finie.

Enfin, pour l’anecdote, au deuxième coup, les Noirs disposaient aussi d’un autre coup gagnant. Ainsi, le simple 2…Dg6 permettait également de l’emporter puisque 3.Dxg6+ Rxg6+ 4.Rg1 Fd4+ 5.Tf2 Tc8 transpose dans la ligne principale. Et sur 3.Txf3 qui tente de simplifier, il y a 3…Dxf7 4.Txf7 Rg6+ 5.Rg1 Rxf7 -+.

Culture échiquéenne

Et maintenant, voici les réponses aux quelques questions de culture.

La question technique :  Au 14/08/2022, le Elo du plus fort logiciel est celui de Stockfish 14, qui est estimé à 3538. Il est calculé en faisant jouer différents logiciels entre eux et est accessible sur le site Computer Chess Rating Lists.

La question historique : Après Carlsen, le joueur ayant eu le plus grand classement Elo est Garry Kasparov, lequel a atteint un pic à 2851 Elo.

La question ouverture : La ligne 1.e4 e5 2.Cf3 Cc6 3.Fb5 a6 4.Fa4 Cf6 5.0-0 b5 6.Fb3 Fb7 de l’espagnole s’appelle la variante Arkhangelsk. Elle porte ce nom car elle a été popularisée par plusieurs forts joueurs de la ville russe d’Arkhangelsk.

Jean Meunier-Pion

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