Exercices tactiques 03 (par Jean Meunier-Pion)

Problèmes tactiques

N° 3

Si tu veux te creuser les méninges sur des problèmes qui se laisseront difficilement saisir, voici une petite sélection qui te fera plaisir.

La planche d’exercices est composée de 7 problèmes retors, aux différents ressorts.

Le niveau de difficulté augmente au fur et à mesure, alors ne perds pas d’allure.

Note : l’orientation de l’échiquier est toujours du côté du camp au trait.

Problème 1

Pour commencer, je te propose de trouver le mat en 3 dans cette position. Voyons voir si tu es un maître de l’escalier.

Problème 2

Encore un mat en 3 avec les Blancs et peu de matériel sur l’échiquier. Les bons placements de pièces font toujours la différence.

Problème 3

Pour corser un peu les choses, je te propose maintenant de trouver un mat en 5 dans cette position, avec les Blancs. Le Roi noir est coincé et à l’agonie, il s’agit de l’étouffer correctement.

Problème 4

Et voici le petit frère jumeau de mon mat en 5 précédent. Cette fois-ci, les Blancs parviennent à mater en 4 coups grâce au renfort de la cavalerie.

Problème 5

À présent, ce diagramme ne sort pas de mon invention et le niveau va monter d’un cran puisque son auteur t’a prévu un casse-tête très malin, dans lequel tu dois mater en 4 coups avec les pièces blanches.

Source : Friedrich Köhnlein (Münchner Neueste Nachrichten, 1905)

Problème 6

Un petit exercice à l’aveugle de temps en temps, c’est bon pour les méninges. Après les coups 1.e4 e5 2.Cf3 Cc6 3.Fb5 a6 4.Fa4 Cf6 5.0-0 Cxe4 6.d4 b5 7.Fb3 d5 8.dxe5 Fe6 9.c3 Fe7 10.Te1 0-0 11.Cd4 Dd7, les Blancs jouent et gagnent. Je compte sur toi pour résoudre cette énigme sans toucher à un échiquier.

Problème 7

Attention, voici un problème inédit. Dans cette position, le trait est aux Noirs mais, comme tu peux le constater, il manque les pièces blanches sur l’échiquier. L’enjeu de ce problème va être multiple.

Tu dois rajouter une Tour blanche et un Roi blanc sur l’échiquier. Au plus, combien de positions légales peux-tu créer de la sorte ? (Les positions ou les Noirs sont matés sont autorisées.)

À présent, dans toutes ces positions légales, lorsque les deux camps jouent les meilleurs coups, il en existe dans lesquelles les Blancs perdent, d’autres dans lesquelles il y a match nul, et même d’autres dans lesquelles les Noirs perdent. Ce que j’aimerais que tu me dises, c’est combien exactement de positions sont gagnantes pour les Blancs, combien font match nul, et combien sont perdantes pour les Blancs ? Je rappelle que, une fois chaque position créée, le trait est aux Noirs (et l’échiquier orienté pour les Noirs).

NB : Ce n’est pas un problème tactique au sens classique, mais plutôt une énigme qui permet de tester ta connaissance des finales, aussi bien que ta compréhension du jeu.

Culture échiquéenne

Après avoir traité tous ces problèmes difficiles, je te propose des questions plus faciles. Ce sont des questions de culture, que ce soit d’ordre technique, historique, ou au sujet des ouvertures.

La question technique :  Qu’est-ce que le Buchholz ?

La question historique : Quand est-ce que la FIDE a adopté le système Elo pour classer les joueurs ?

La question ouverture : Quel est le nom de la variante de la défense slave caractérisée par les coups 1.d4 d5 2.c4 c6 3.Cf3 Cf6 4.Cc3 a6 ? Il existe deux appellations principales pour cette variante.

Jean Meunier-Pion

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Solutions exercices tactiques N° 2

Que tu penses avoir trouvé la solution à un problème ou que tu t’arraches les cheveux depuis des jours sur une position, c’est ici que tous les mystères te seront révélés. 

Mais avant d’aller regarder plus loin, es-tu sûr d’avoir bien réfléchi sur le problème dont tu vas regarder la solution ? Une fois la solution dévoilée, tu n’auras plus de deuxième chance pour connaître la satisfaction que l’on ressent en perçant les mystères d’une énigme pour la première fois.

Aussi, petit conseil avant que tu ne consultes les solutions : quand tu lis des variantes, il ne faut pas être passif et juste regarder les coups. S’il y a une variante que tu n’avais pas vue ou que tu avais rejetée, il faut que tu comprennes chacun de ses coups et que tu la remettes en question en proposant tes propres lignes, jusqu’à ce que ce que tu réalises pourquoi elle fonctionne effectivement. Bien souvent, ce sont les sous-variantes que l’on calcule et qui n’apparaîtront jamais sur l’échiquier qui font la richesse de la ligne principale.

Problème 1

Bien entendu, sur 1.Cxf6+ Fxf6 2.Dxf6, les Blancs gagneraient une pièce. Pourtant, 1.Cxf6+ n’est pas le meilleur coup car les Noirs ont la parade 1…Rh8!. Ce coup de défense maintient la pression sur le Cavalier en f6 pendant que la Dame blanche est toujours attaquée. La Dame blanche est forcée de bouger, par exemple 2.De3, et alors 2…Fxf6 et les Noirs ont une très bonne position avec égalité matérielle.

Il faut donc trouver autre chose. 1.Dxf6 ! fait l’affaire. On donne la Dame, mais c’est seulement un pseudo-sacrifice. Si les Noirs jouent 1…Fxf6 2.Fxf6, ils se retrouvent en difficulté car leur Dame est attaquée et si elle quitte la surveillance de e7, les Blancs joueront Ce7#. Les Noirs peuvent tenter 2…Da5+, et si leur adversaire se trompe en jouant 3.c3? par exemple, ils ont tout juste le temps de contrôler e7 par 3…Cc6. Mais les Blancs ont tout de même 3.b4 qui attaque de nouveau la Dame et la menace Ce7# est toujours présente. Les Noirs n’ont pas de bonne solution.

Si les Noirs avaient voulu jouer simplement 2…Dd7 pour garder un œil sur e7, après 3.Ce7+ Dxe7 4.Fxe7, les Blancs auraient eu une pièce de plus, et en plus ils attaquent d6 et f8 en même temps.

Problème 2

Le Fou des Noirs a l’air tout seul dans son coin. On a envie d’aller le chercher avec le Roi blanc, mais 1.Rd6? serait trop hâtif puisqu’il aurait le temps de s’enfuir en jouant 1…Fc8 et 2.Rxd5 n’est pas si embêtant que cela puisqu’après 2…g5, les Noirs contre-attaquent sur l’aile-Roi avec leur majorité. Par exemple, 3.Rc6 g4 4.d5?  h3 5.gxh3 g3 -+.

Pour cette raison, il faut d’abord lui fermer la porte en jouant 1.Fd7!.

Si les Noirs veulent ouvrir une porte par 1…a5, le mieux est de jouer 2.Fxb5 Rg5 3.Fd7 (on empêche le Roi noir d’aller plus loin), puis de pousser le pion b. On pourrait tenter de bloquer en jouant 2.b4, mais il faut faire attention à 2…axb4 3.axb4 Rg5, et maintenant il faut jouer 4.Fxb5 pour conserver un avantage décisif, alors que 4.Rd6? se heurterait à Rf4 5.Rc7 Fa8 6.Rb8 Re3 7.Rxa8 Rxd4 et les Blancs n’ont plus assez de pions. Le Roi noir va aller chercher b4, puis il suffira de supporter g5/g4/h3 pour forcer l’échange du dernier pion blanc, et obtenir la nulle.

Sinon, les Noirs peuvent tenter d’activer leur Roi par 1…Rg5. On joue alors 2.Rd6 Rf4 3.Rc7 Fa8 4.Rb8 Rg3 5.Rxa8 Rxg2 6.Fc6 et les Blancs ont un avantage décisif. Par exemple, 6…g5 7.Fxd5+ Rf2 8.Fb7 g4 9.d5 g3 10.d6 h3 (10…g2 11.Fxg2 +-) 11.d7 g2 12.d8=D g1=D 13.Dd4+ et les Blancs gagnent sans problème.

Problème 3

Les Blancs mènent une lutte difficile. Mais avoir peu de matériel peu être utile dans ce genre de situations. Il faut chercher comment donner le peu de matériel qui nous reste pour faire pat et arracher un demi-point.

Commencer par un coup de Dame comme 1.Da8+, 1.Db8+ ou 1.Dc8+ serait très maladroit car après la prise de la Dame par le Roi, il nous resterait le pion a5 à jouer et les Noirs nous matent en 1 avec 2…Dg1#.

En revanche, commencer par un petit échec avec 1.a6+ semble intéressant! Si 1…Rxa6, on joue 2.Da8+ (2.Dc8+ Rb5 3.Da6+ Rb4 4.Da3+ Rc4 5.Dd3+! Rb4 6.Da3+ permet aussi d’annuler, mais c’est moins facile) et si 2…Cxa8 c’est pat, sinon 2…Rb5 3.Da4+ et les Noirs sont forcés de manger la Dame et de faire pat. La ligne principale à regarder est alors 1…Ra7. Et alors, 2.Da8+? serait une erreur après 2…Rxa8 3.a7 Dg1#. Néanmoins, 2.Db8+ Rxb8 3.a7+ force la donne.

3…Ra8 ou 3…Rxa7 donneraient directement pat, et si 3…Rb7 4.a8=D+ et les Noirs doivent manger a8. 3…Rc8 4.a8=D+ Rd7 5.Dd8+ Rxd8 et c’est pat!

Attention, seul 5.Dd8+ permet d’annuler. Si 5.De8+? par exemple, 5…Rd6 et sur 6.Dxe6+ Txe6, le Roi blanc peut jouer donc il n’y a pas pat.

Problème 4

Faisons preuve de générosité et offrons sur un plateau d’argent notre Cavalier en jouant 1.Cc3!. L’idée est de contrôler d5, et maintenant 2.Rd8# est une menace.

Si les Noirs prennent de la Tour : 1…Txc3 2.Txd4#.

S’ils prennent du Fou : 1…Fxc3 2.Fa2#.

S’ils tentent du Cavalier : 1…Cxc3 2.Cxe3#.

Et enfin du Roi : 1…Rxc3 Rd8#.

Je passe, pour des raisons évidentes, le cas où les Noirs prendraient du pion.

Problème 5

Normalement, il y a deux moments gratifiants qui arrivent lors de la résolution de ce problème. Le premier, c’est lorsque l’on réalise qu’après 1.Cd5 g2 2.Fg1!!, les Noirs sont en grande peine pour empêcher le mat par Cxf4/Cg6#.

Sur 1…h1=D, les Blancs matent simplement en deux coups après 2.Cxf4, suivi de 3.Cg6# imparable. Idem sur 1…hxg1=D.

Mais il existe une ressource exceptionnelle, qui donne lieu au second moment gratifiant. Ici, les Noirs jouent 2…h1=F!. Cette tentative inespérée de sous-promotion menace de faire pat !

Heureusement, il n’est alors pas compliqué de jouer 3.Cb4 cxb4 4.Fxd4# pour réussir tout de même à mater.

En réalité, cette sous-promotion est très intéressante, d’une part car l’intérêt d’une promotion Fou est, en pratique, extrêmement limité et, d’autre part, car cela explique pourquoi commencer par 1.Ch5? ne mène pas au même résultat que 1.Cd5. En effet, sur 1.Cd5, il va exister la possibilité de « dépater » les Noirs (et empêcher le Roi noir de se dépatter) en jouant 3.Cb4, alors que sur 1.Ch5?, cette éventualité disparaît.

Problème 6

Je rappelle la disposition des pièces :

Blancs : Cf6, Fb4, Tb6, Rb7

Noirs : d7, e6, b5, Fe7, Rd8

L’impitoyable 1.Txe6 permet de mater en deux coups. La menace est Fa5#. Par exemple, 1…dxe6 2.Fa5#. De même, sur 1…d6 ou 1…d5, 2.Fa5#.

Et sur n’importe quel coup de Fou noir, 2.Te8# permet de mater.

Parmi les essais intéressants, on peut noter 1.Ta6? et 1.Tc6? qui sont réfutés par 1…Fxb4, laissant la case e7 pour le Roi. Par ailleurs, sur 1.Fa5? Fb4!, on n’arrive pas à mater en deux coups.

Problème 7

Prendre en b3 ou en b4 n’est pas viable car la Dame est coincée entre les pions et va peiner à donner des échecs. Il faut repartir et jouer 1.Da8 Rc2 (1…Rc1 mène au même résultat). On commande alors au Roi noir de retourner se cacher : 2.Dc8+ Rb1.

Puis, pour mater, il faut mettre en action notre propre Roi, car on ne peut pas mater juste avec notre Dame, donc on joue 3.Rd2 Ra2 (3…Ra1 ne change rien) 4.Da8+ Rb1 5.Dxb7 Ra2 6.Da8+ Rb1 7.Rd3 Rc1 8.Dh1#.

Culture échiquéenne

Et maintenant, voici les réponses aux quelques questions de culture.

La question technique : FEN signifie Forsyth-Edwards Notation, ou « Notation Forsyth-Edwards » en français. C’est la notation communément utilisée pour encoder les positions aux échecs. Elle consiste en 8 séquences de caractères séparés par des « / » et qui représentent les pièces présentes sur chaque ligne et le nombre de cases vides. D’autres informations sont ajoutées pour indiquer le camp au trait, les possibilités de roquer, le nombre de coups, ainsi que des informations pour gérer la règle des 50 coups et les possibilités de prise en-passant.

Cette notation tient son nom de Steven J. Edwards et David Forsyth. Forsyth était un journaliste qui a imaginé cette notation et l’a popularisée, tandis qu’Edwards était un informaticien qui a modifié cette notation pour la rendre utilisable par des ordinateurs.

La question historique : Celui qui détient le record du plus jeune champion du monde d’échecs n’est autre que Garry Kasparov. Il a décroché la couronne mondiale en 1985, en battant Anatoly Karpov à l’âge de 22 ans (6 mois et 27 jours).

La question ouverture : 1.e4 c5 2.Cf3 e6 3.d4 cxd4 4.Cxd4 a6 donne lieu à la Sicilienne Kan. C’est une ouverture souple dans laquelle les Noirs n’ont toujours pas joué de pièce et attendent de voir ce que les Blancs font avant de montrer leurs cartes.

Jean Meunier-Pion

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